samedi 8 février 2014

Mai 68 : Ouvrière chez Clerget, Christine avait 16 ans!

Les ouvrières dans l'usine Clerget
Mon travail à l’école n’étant pas formidable, je me suis retrouvée ouvrière chez Clerget. À peine un mois après, grève générale : la vie s’arrête! 

Plus de transport, plus de courrier, plus d’info, plus d’essence et une atmosphère particulière à l’usine : elle était occupée par les hommes jour et nuit. Il fallait empêcher les travailleurs de prendre leur poste. Les femmes les soutenaient et venaient leur faire café et omelette. Nous, les jeunes, nous prêtions main forte.

Tout cela avait quelque chose d’irréel, j’avais l’impression qu’il était facile de changer le monde, tout était à portée de main. Je ne me rendais pas compte de la gravité de la chose, et du souci que pouvaient avoir mes parents : mon père était empêché d’aller à l’Unité Hermétique et pour nourrir mes deux sœurs cadettes, il fallait aller à la soupe populaire.

« Les anciennes me maternaient !»

À la maison, mes parents me protégeaient et m’empêchaient de participer aux manifestations dans la rue. À l’usine, les anciennes me maternaient pour me permettre de faire face à ces évènements d’une ampleur inhabituelle dans le monde du travail.

À l’époque, j’avais conscience que la France entière était mobilisée et cela me donnait une énergie particulière, cela me fascinait et me faisait peur : c’était hallucinant, un peu comme une guerre civile. Je trouvais les piquets de grève parfaitement normaux, tout le monde devait être solidaire pour que les choses bougent : nous voulions transformer et voir les inégalités se niveler.

Si des commerces se sont arrêtés, par solidarité avec les ouvriers, d’autres commerçants nous reprochaient notre grève, nuisible à leur activité. Avec des copines, nous sommes allées nous venger chez une confectionneuse en lui faisant sortir tous ses vêtements et partir sans rien acheter. Il faut bien que jeunesse se passe!...

La fin de la grève a été aussi brutale que le début, et tout le monde s’est remis au travail, ouvriers, commerçants et étudiants.

Depuis, lorsque je rencontre mes copines de l’époque, "Mai 68" est toujours un sujet qui revient sur le tapis. Je pense que l’on parlera encore longtemps de cette période et qu’elle rentrera dans l’histoire comme tous les grands évènements...

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