dimanche 21 août 2016

Un Pastis 100% turripinois!


Aujourd'hui, disparu de nos zincs, il fut un temps où tous les cafés et les bistrots de la région ne connaissait que lui, c'est apéritif anisé baptisé : le "Prosper"! Il aurait pu, soyons audacieux et un peu chauvins, rivalisé avec les plus grands, "Pernod" et "Berger". Mais c'était sans compter la seconde guerre mondiale et son lot de restrictions. Prosper Archer, son créateur, avait pourtant mis toutes les chances de son côté en donnant à son pastis, le nom d'une chanson à la mode...


C'est au n°6 de la rue Viricel que tout a commencé. En 1900, se tient là une usine à vapeur, spécialisée dans la fabrication de l'absinthe supérieure rectifiée. C'est la distillerie Morel. On y produit une Arquebuse des Balmes du Dauphiné, un "Cherry-Brandy", du "Ratafia", un kina maison. À l'époque, le pastis de Marseille n'existe pas encore. On boit de l'absinthe que l'on "trouble" en y ajoutant du sucre. C'est en quelque sorte l'origine du pastis.

Bouteille venant de la distillerie J. Morel
À La Tour du Pin, ils y avaient deux distilleries qui fabriquaient l'absinthe et créaient des liqueurs et du quinas : les Ets. J. Berthet et l'usine de J. Morel avec sa grande cheminée que l'on voit encore sur de vieilles cartes postales.


En 1920, un très grave incendie détruit une partie de cette entreprise et en particulier la grande cheminée. Cinq ans plus tard, un préparateur en pharmacie Batailh acquiert avec son frère Joseph, la distillerie Morel. Il s'agit de Prosper Archer (lisez ici l'article qui lui est consacré). Ce dernier applique ainsi son savoir-faire et ses connaissances poussées en herboristerie pour concocter des liqueurs et des apéritifs. Il invente une Arquebuse comportant 72 plantes différentes macérées puis distillées à la vapeur! L'affaire tourne bien. L'homme est connu et populaire. Mais Prosper Archer veut aller plus loin.


Dans les années 30, le "Pastis" devient à la mode et remplace petit à petit l'absinthe. La fée verte qui faisait chavirer tant d'artistes laisse place aux accents du sud... Il y a déjà de grands noms, "Pernod", "Berger".

Prosper Archer ne veut pas rester sur la touche. Il invente son propre Pastis et l'appelle "Le Turri". Mais le succès n'est pas au rendez-vous. Au même moment, une chanson de Maurice Chevalier fait fureur sur les ondes de la T.S.F : "Prosper yop la boum!"


Notre Prosper local a aussitôt l'idée de rebaptisé son Pastis du nom de cette chanson qui a la côte et une touche osée (il n'y a qu'à écouter les paroles...) Il vise juste! Les clients des bistrots en raffolent. Les ventes n'ont de cesse d'augmenter. Six ouvriers sont embauchés. Le camion de la distillerie fait la livraison d'apéritifs d'arquebuse, de sirops, de bière, limonade, de liqueurs et même de vin "Mascara" importé directement d'Algérie. La maison compte près de 700 fûts pour stocker ces différents breuvage!

Bouteille venant de la distillerie Archer frères
Au n°30 de la rue de la République, elle a aussi un magasin de vente au détail (devenu par la suite un magasin de vêtement Thevenon).


Mais la guerre éclate. L'alcool devient rare, de même que le sucre. Prosper Archer ne veut pas se résigner à fabriquer des produits de moindre qualité, avec de la saccharine. L'activité de la société Archer frères tourne au ralenti puisque l'on a droit à seulement 2 litres de vin par mois! Il se retire dans sa maison de Cessieu pour s'occuper de ses vignes dont il produit un excellent cru. Il envisage même de transférer, dans ce lieu qu'il aime temps, son activité lorsque la guerre sera terminée...

À la libération, les affaires reprennent doucement. Il y a encore des tickets de rationnement et ce jusqu'en 1948, ce qui limite toujours la consommation. Plus tard, le fils de Prosper Archer, Georges, essaie tant bien que mal de maintenir l'activité. Il n'a plus que deux ouvriers. Mais face aux tracasseries administratives liées à l'alcool et la constante suspicions des services de la répression des fraudes, il préfère jeter l'éponge et tenir un débit de boissons à Bourgoin.

En 1967, disparaît ainsi la dernière distillerie à vapeur de la région, laissant le place libre aux grands : Ricard, 51, Casanis...


Aujourd'hui, il reste peu de trace de ce Pastis turripinois. Alors, si vous avez eu la chance d'y goûter, d'en entendre parler ou encore de conserver une bouteille, une affiche publicitaire, n'hésitez pas à nous adresser une photo ou un témoignage! Pour ce que ce Pastis ne disparaisse pas tout à fait de notre mémoire locale...

D'après Jean Husni.

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