mardi 19 juillet 2016

Neil Armstrong habillé par Playtex


Le 20 juillet 1969, l'Homme met le pied sur la lune pour la première fois. Le scaphandre des astronautes était signé... Playtex!

Cette combinaison spatiale sur mesure est le modèle A7L et a coûté à l’époque 100 000 dollars (plus de 670 000 dollars aujourd’hui). Playtex (International Latex Corporation), célèbre entreprise de lingerie américaine, relève alors un défi de taille : fabriquer une combinaison capable de fournir un environnement pressurisé à l’astronaute et de résister à des températures extrêmes (pouvant atteindre au maximum 123°C et au minimum -233°C) tout en conservant suffisamment de souplesse et de mobilité pour que l’astronaute puisse remplir ses taches. Playtex a ainsi pu envoyer ses nouveaux vêtements sur la lune, puisque les couturiers et les ingénieurs de ce fabriquant de sous-vêtements ont réussi à créer une combinaison spatiale sans faille!


L'usine flambant neuve de la Tour du Pin eut le privilège d'accueillir le scaphandre de Neil Armstrong dans le hall d'entrée pendant quelques semaines, puis ce scaphandre fut présenté dans les grands magasins de Paris (Printemps, Galeries Lafayette). Il avait fallu des précautions infinies pour obtenir du ministère de la santé le droit de faire circuler ce scaphandre : le ministère craignait des maladies mystérieuses et inconnues ramenées de la lune !


Comment un tel joyau spatial a-t-il pu atterrir à La Tour ? Pour le savoir, retournons aux origines...
1932, la fin des années folles. Un ingénieur New-Yorkais, Abraham Spanel, invente son premier produit en latex : le bonnet de bain. Suivra très vite une gaine en latex dont le confort fait oublier à jamais les instruments de torture qu'étaient les corsets! Le succès est immédiat. PLAYTEX est né aux USA.


En 1964, Playtex décide de s'implanter en France à Jallieu. Le "Coeur Croisé" est lancé comme une bombe par les premières pubs télé en janvier 1969.  Les ventes explosent, il faut rapidement une usine plus grande. Ce sera l'implantation à La Tour du Pin en septembre 1970.


Cette grande bâtisse était l'usine la plus moderne et la plus belle de la région à la pointe du progrès : air conditionné partout, pas de fenêtre dans les ateliers (ce qui fit grincer beaucoup de dents), musique d'ambiance, un hall d'entrée luxueux en marbre et en liège, beaucoup de visiteurs venaient en curieux. Pour "habiller" le terrain qui n'était qu'une terre à blé, 440 arbres et arbustes furent plantés.

Les affaires marchaient d'un feu d'enfer : dix ouvrières étaient embauchées chaque semaine pour répondre à la demande. L'usine de La Tour du Pin a compté jusqu'à 770 personnes, le plus gros employeur du Nord Isère!


Pendant plusieurs décennies l'entreprise connaît une ère de croissance fulgurante grâce à la dextérité des couturières et aux modèles mythiques : "Cœur croisé", "18 heures", "Incroyable" et "Super-Look."
En 1979, la lingerie fait son entrée dans les supermarchés, c'est un bouleversement profond des habitudes d'achat.

En 1988, un contrat avec CACHAREL rajeunit la gamme, mais c'est WONDERBRA qui fera l'effet d'une nouvelle bombe en 1994 avec le slogan « Regardez moi dans les yeux, j'ai dit les yeux ». C'est une belle fille de l'Est, Eva Herzigova, qui prouve les effets bluffants de ce nouveau soutien gorge. En 1998, elle est remplacée par une autre très belle fille de l'Est Adriana Karembeu : les ventes doublent d'une année sur l'autre !


Malgré les efforts de Playtex pour se renouveler sans cesse, les effets de sape de la mondialisation et de la délocalisation sont là.  Lors des manifestations, les employés scanderont avec douleur le slogan «Playtex maintient vos seins mais pas nos emplois!» Après plusieurs plan sociaux, et plusieurs fermetures d'ateliers, l'usine ferme définitivement ses portes en décembre 2010, c'est la fin d'une belle époque qui aura duré 40 ans à La Tour du Pin. Alors qu'elles auront façonné la silhouette d'innombrables femmes sur la planète, plus aucune usine de l'Isère ne confectionnera de fonds de robes, de déshabillés ou de soutiens-gorge pigeonnants...

D'après Annie CHIKHI et Jean HUSNI.



Retrouvez plus d'informations sur Les Dessous oubliés de l'Isère

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