mardi 4 mars 2014

La cloche communale de la Tour du Pin


Tous les turripinois connaissent la cloche qui est actuellement placée à la mairie de la Tour du Pin, à l’entrée de la salle du Conseil Municipal. Elle est datée de 1584 et comporte un blason composé tout simplement d’une tour et d’un pin, ce qui l’attribue parfaitement à notre ville. Mais d’où vient-elle ? Cette cloche a dû subir l’un de ces multiples incendies : elle présente des traces de fusion du métal. De plus, les brisures à la base et l’arrachage des anses semblent témoigner d’une chute d’une charpente ou d’un beffroi en bois...

On dit que cette cloche fut déposée du fronton des "nouvelles halles" place Antonin Dubost, à l’emplacement de l’horloge électrique et qu’elle provenait antérieurement de l’église romane qui a été détruite en 1875. On dit aussi qu’elle provenait du couvent des Recollets (rue des Recollets actuelle) mais cela est impossible celui-ci ayant été construit ultérieurement...

Mais alors… Ce pourrait être une cloche municipale placée au sommet d’un beffroi pour avertir la population de l’imminence d’un danger. La sonnerie du tocsin permettait d’appeler les gens d’armes (soldats occasionnels) et inviter les habitants des environs à se replier dans l’enceinte fortifiée. Mais le château du plateau a été détruit au XIVème siècle et il n'y avait pas de beffroi à la Tour du Pin.

Alors, serait-ce une cloche paroissiale? C’est Charlemagne qui généralisa les cloches dans tout l’empire pour annoncer les offices. Mais la majeure partie des cloches médiévales ont été détruites ou refondues. Les cloches paroissiales sont toujours consacrées par l’évêque et l’usage veut que l’on y fasse figurer certaines inscriptions de caractères religieux et le nom d’un parrain et marraine.


Un nouveau son de cloche!

L’origine de cette cloche est vraiment une énigme. Michel Lauth, ancien président d’honneur de La Tour Prend Garde, nous a apporté un éclairage nouveau sur l’origine de la cloche turripinoise.

«Au hasard de mes pérégrinations patrimoniales, j’ai découvert une cloche de plus petite dimension que la nôtre exposée dans l’église de Saint Sorlin de Morestel, dans un campanile en chêne sculpté et réalisé par Michel Chanoz. La cloche de la Tour du Pin, ne comporte pas d’inscription ou de dédicace qui nous aurait permis d’en comprendre son histoire. Mais la petite cloche de Saint-Sorlin comporte, outre la date commune à notre cloche municipale 1584, aussi une inscription latine qui indique les patronages et marraines, entre autres, une dame Basset, portant le titre de "bourgeoise de la Tour du Pin" (Burgensa). Née Louise Morrut, elle était l’épouse d’André Basset, avocat au Parlement de Grenoble. De fait, il s’agit d’une très ancienne et honorable famille de la Tour du Pin, et qui figure parmi les notables dès 1540. Elle mérita d’entrer dans la noblesse parlementaire en 1586. André Basset s’était porté acquéreur du domaine du Pin (Tournin) en 1581. Un acte du 11 avril 1587 relatif au partage de la taille est signé Basset : « En vertu des commissions obtenues en la souveraine Cour du parlement de Dauphiné en date du vingt sixième novembre mil huictante cinq." Dans le même document, on mentionne «pour les gages de Me. Jean Guy BASSET procureur de la communauté...»

Puis, dans la procédure faite au sujet de l’ascendance noble produite par ce Jean-Guy Basset en 1647, les nobles Melchior de Mussy, châtelain de la Tour du Pin, Gaspard de Gratet, Seigneur de Montcorbel, de Mussy, curé de la Chapelle, Charles et Henry de Boissac de Cuirieu, (…) témoignent de 1’ancienneté de la maison Basset à la Tour du Pin… Il m’a plu d’imaginer que les riches bourgeois de la Tour du Pin, qui furent des mécènes de cette cloche de petite taille, furent aussi ceux de notre cloche communale, et aient profité de l’atelier de la cloche «laïque» à la Tour du Pin pour accomplir quelque vœu fait à St. Sorlin, alias St.Saturnin, à qui avait été consacrée une chapelle en pisé près de Morestel.»

La fabrication d’une cloche selon l’Encyclopédiste Diderot.

Notons qu’à l’époque, les artisans fondeurs civils font la coulée sur place, car les grandes cloches, trop lourdes et difficiles à transporter, doivent être fabriquées au pied des édifices auxquels on les destine. A ce propos, le curé Valler de Saint Didier de la Tour, écrit à son évêque le 6 avril 1843 : «Nos fondeurs de cloches sont installés chez nous depuis trois jours. Ils doivent nous fondre une belle cloche. Une du même poids pour Ornacieux, et une autre encore pour un paroisse du diocèse» Cette cloche avait une «sœur aînée de 1815.»

Que se passait t-il autour de la date de fabrication de la cloche ?

1559 : placé sur l’itinéraire des troupes rentrant des guerres d’Italie, le bourg a beaucoup souffert. 
1562 : le baron des Adrets fait le siège avec 800 cavaliers et 2500 arbalétriers, met tout à feu et à sang pour le compte de la ligue protestante. Les biens catholiques sont pillés ou détruits, les cloches d’églises sont fondues pour faire des canons. 
1577-78 : la puissante famille des Musy acquiert les vielles masures du château de la Tour du Pin, à l’exception de la grosse tour qui a servi de prison.
1579 : on respire un peu ! La ville est restaurée, on pense à commander une cloche communale. 
1584 : date de la cloche communale.
1590 : nouvelle incursion des protestants.
1591 : ravages des napolitains.

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